« La vie la plus normale possible … »
Cela a été mon mantra, mon leitmotiv à partir de l’annonce du polyhandicap de mon fils
Cela me paraissait juste évident vu le modèle que j’avais. En effet, mon oncle myopathe vivait chez ma mamie quasiment comme tout le monde: pas de matériel adapté à part un lit médicalisé (mais qui d’ailleurs ne ressemblait en rien à ceux que l’on voit aujourd’hui, il ressemblait à un lit normal en fait), pas de lève personne, même pas de fauteuil roulant. Tonton le refusait et se déplaçait sur une chaise de bureau, à roulettes, et ce jusqu’à son dernier souffle … Je ne sais pas comment il faisait, n’ayant quasiment plus de muscle à la fin … Le fauteuil roulant électrique était uniquement pour les balades dans les chemins et ils n’étaient pas fréquents. Il n’était jamais malade, n’était jamais hospitalisé, une vraie force de la nature.
Ayant cette référence, je me suis dit que tout était possible et cela a été ma ligne de conduite, mon phare dans la nuit, ce qui m’a guidé et fait tenir …
Aujourd’hui, avec du recul, je me dis que c’était à la fois une utopie parce que je me voilais la face et à la fois réaliste et évident
Une utopie car :
Ce n’est pas normal de nourrir son enfant par gastrostomie
Ce n’est pas normal d’aller voir son bébé toutes les 10min quand il dort pour vérifier qu’il n’est pas en crise d’épilepsie
Ce n’est pas normal d’injecter du valium en intra rectal à un bébé de 5 mois
Ce n’est pas normal de donner 8 fois dans la journée des traitements médicamenteux
Ce n’est pas normal de ne pas avoir de bisou quand on est parent
Ce n’est pas normal de ne pas s’entendre appeler « maman » par son enfant
Ce n’est pas normal de ne pas pouvoir aller où l’on veut parce que le lieu n’est pas accessible à un fauteuil
Ce n’est pas normal de voir son fils partir sous respirateur, en hélico, entre la vie et la mort
Ce n’est pas normal de se demander, le matin en se levant, si son enfant est toujours vivant
Ce n’est pas normal de devoir choisir entre ses 2 enfants pour savoir qui pourra profiter de ma présence, parce qu’une hospitalisation est en cours
Ce n’est pas normal d’être en état de vigilance accrue et non stop au cas où un problème de santé se déclencherait
Ce n’est pas normal de passer autant de temps à l’hôpital
Ce n’est pas normal d’envoyer son enfant de 5 ans dans une école spécialisée à 35kms de la maison
Ce n’est pas normal d’avoir autant de difficultés pour trouver des solutions de garde et pour ainsi avoir des loisirs, aller voir ma fille au basket, etc.
Mais malgré tout, j’ai réussi à la créer, ma vie presque normale, celle de tout le monde car
C’est normal de passer du temps avec ses enfants
C’est normal de voir ses 2 enfants tisser des beaux liens, malgré le handicap, malgré l’absence de langage pour l’un
C’est normal de voir son fils rayonner quand sa sœur arrive dans la chambre
C’est normal de découvrir les beaux cadeaux fabriqués pour la fête des mamans
C’est normal d’aller faire des balades ensemble
C’est normal de regarder des dessins animés ensemble
C’est normal de se faire des câlins
C’est normal de donner des clés à ses enfants pour grandir, pour s’autonomiser, pour se sentir capable de réaliser des choses par eux-mêmes (même d’aller vers la Lumière)
C’est normal de tenir la main de ses enfants quand ils ont peur le soir au moment de s’endormir
C’est normal de savourer le temps passé ensemble
C’est normal de grandir soi-même, en tant que parent, avec son enfant
C’est normal de se dire des mots doux et de voir la joie et le bonheur sur le visage de son enfant
C’est normal de ressentir l’Amour inconditionnel
C’est normal d’être là pour ses enfants dans les bons comme dans les moins bons moments
C’est normal de faire son maximum pour que ses enfants soient heureux
Parce qu’en fait, c’est quoi une vie normale ?
C’est seulement celle que je définis, celle qui fait sens pour moi, celle qui correspond à mes standards, à mes valeurs, à mes besoins, celle que je veux pour ma famille, même dans un quotidien atypique, challengeant, extraordinaire
Quelles sont vos règles du jeu ? Sont-elles à l’oeuvre ? Si ce n’est pas le cas, quel 1er pas pouvez-vous faire pour créer et surtout pour vivre la vie qui vous ressemble, même avec des particularités ?
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